Le Théâtre-en-Rond, est à la fois un lieu de mémoire, et un art vivant ouvert sur l’avenir, susceptible d’apporter un regard neuf au théâtre contemporain. Si le théâtre est bien une manière de représenter l’homme, le monde et l’homme dans le monde, alors utiliser une scène centrale circulaire n’est ni un choix scénographique anodin ni un simple caprice esthétique. C’est d’abord une manière de penser et de faire ensemble, de travailler et de représenter, et enfin d’enseigner.
“Tout ce que fait le pouvoir de l’univers se fait dans un cercle.
Le ciel est rond.
Le soleil s’élève et redescend dans un cercle.
La lune fait de même, et ils sont ronds l’un et l’autre.
La vie d’un homme est un cercle d’enfance à enfance,
et ainsi en est-il de toute chose où le Pouvoir se meut…
aussi nos tipis étaient ronds, comme les nids des oiseaux,
et toujours disposés en cercle…”
Elan Noir, indien sioux oglala (né en 1863)
Qu’est-ce que le Théâtre-en-Rond
La scène ronde centrale est la forme de représentation la plus naturelle et la plus utilisée. C’est aussi la forme la plus ancienne. On en retrouve les traces en Chine ou en Afrique, en Perse ou aux Amériques, même en Europe, dans les théâtres antiques païens ou chrétiens. Tout au long du Moyen-âge, son empreinte est partout : dans l’intimité des narthex pour appuyer la liturgie, sur les parvis pour architecturer des spectacles de masse, dans les rues, sur les places, dans les cours mais aussi dans les auberges ou les salles des châteaux, pour partager un poème épique, une musique, une chanson, un conte, une danse, un drame ou une farce. En fait, cette forme immensément populaire était la plus répandue jusqu’au XVIème. C’est pour elle d’ailleurs qu’un certain Shakespeare concevra et écrira toutes ses œuvres. Vient la Renaissance qui rejette le rond comme elle rejette tous les savoirs-faire du Moyen-âge. C’est l’avènement du frontal et bientôt des théâtres en dur ; désormais, seule la piste du cirque et de quelques troupes encore ambulantes garde mémoire de ce mode de représentation et de tout son symbolisme. Il faut attendre le XIXème siècle pour voir Appia, Craig et quelques autres s’intéresser à nouveau à cette forme. Artaud, Copeau puis André Villiers en « théorisent » à nouveau l’usage. Depuis cent ans, de magnifiques expériences proposent de s’affranchir du dogme frontal. Mais force est de constater que la scène centrale circulaire reste en Occident une approche singulière, exceptionnelle. Malgré toutes les résistances qu’on lui oppose, nous croyons pourtant cette manière de « faire » et de « représenter », exemplaire à plus d’un titre. Notre engagement dans cette voie depuis trente cinq ans est profondément militant et témoigne d’une espérance de voir cette forme traverser le temps. Notre travail participe modestement de la transmission de cet héritage, véritable trésor des arts sacrés primordiaux.
Le cercle, un autre regard sur l’Art
“Dis moi quel est ton théâtre et je te dirais qui tu es”
Le Théâtre est une manière de représenter, de penser le monde et l’homme dans le monde. Àchaque époque son espace rituel, à chaque civilisation son théâtre et sa scène. Notre modernité depuis la renaissance s’est toute entière construite sur dans et avec le cadre du théâtre frontal à l’italienne basé sur le principe de l’illusion. Le Théâtre-en-Rond médiéval (forme d’Art à part entière au même titre que la Commedia dell’ Arte italienne, le Kathakali hindou ou le théâtre No japonais) témoigne d’une autre vision venue de loin : il est une représentation et une pensée qui place l’homme au centre d’un dispositif orienté et dynamique, symbole d’un cosmos vivant en parfait équilibre. C’est aussi et d’abord une manière de penser et de faire ensemble, de travailler et de représenter, et enfin… d’enseigner.
Depuis sa rencontre avec André Villiers, fondateur du Théâtre-en-Rond de Paris, rencontre qui a précipité sa vocation, François Colombo n’a eu de cesse d’approfondir son étude du Théâtre-en-Rond tant dans ses fondements philosophiques que artistiques. Cette étude passe par une connaissance des principes traditionnels du Théâtre-en-Rond, de la cosmogonie qui le fonde, de sa pensée, de son histoire et de tout le contexte qui l’environne. Car cet art aussi singulier qu’universel demande avant tout pour être retrouvé, compris et vécu, un engagement personnel intense de celui qui le pratique et une confrontation réelle aux sources de la pensée traditionnelle. Autour de son travail François Colombo rassemble à la fois des artistes professionnels, des artistes amateurs et des chercheurs, toute personne intéressée par l’étude et la mise en pratique du Théâtre-en-Rond compris et assumé à la fois comme une forme d’Art, comme un art de connaissance de soi et comme un art de vivre.